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Des ruches en hiver dans le Jura © Le Rucher du Djé
  • Publication publiée :6 janvier 2021
  • Post category:Ruches
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Vous l’aurez sans doute remarqué, en hiver les abeilles, comme de très nombreux insectes et animaux, ne sont quasiment pas visibles dehors. Et pour cause puisqu’il fait trop froid pour elles, et qu’il n’y a rien ou presque à butiner !

Que se passe-t-il donc pour les abeilles pendant la période hivernale ?

Tout d’abord chez l’abeille mellifère Apis mellifera (celle qui fait du miel !), contrairement à la quasi-totalité des autres insectes solitaires ou sociaux, l’ensemble de la colonie passe l’hiver dans sa cavité ou sa ruche, avec la reine et plusieurs dizaines de milliers d’ouvrières et d’abondantes réserves de nourriture. Seuls les mâles (les faux-bourdons) sont absents à partir de la fin d’été, tués ou éjectés hors de la ruche sans pitié par les ouvrières une fois qu’ils sont devenus inutiles pour leur mission de fécondation des reines.

Ainsi, alors qu’une ruche contient environ 50 000 à 60 000 abeilles au printemps, cette population diminue à l’automne pour se stabiliser autour de 20 000 individus.

Dès le solstice d’été le 21 juin, et alors que l’été débute à peine, sans que cela soit apparent la dynamique change radicalement dans les ruches : la reine diminue sa ponte avec les jours qui commencent déjà à raccourcir, moins de jeunes abeilles naissent, et davantage d’abeilles plus âgées se retrouvent libérées des soins énergivores au couvain pour aller butiner les dernières ressources florales en nectar et en pollens ! Souvent la ponte de la reine s’arrête même complètement quelques semaines en novembre-décembre, mais pas toujours.

C’est aussi à partir de la fin d’été que commencent à naître les “abeilles d’hiver”. En apparence semblables aux “abeilles de printemps” qui ne vivent que 6 semaines en moyenne, leur physiologie légèrement différentes sur le plan hormonal et leurs réserves en corps gras leur permettront de vivre plusieurs mois dans la ruche, jusqu’au printemps suivant.

Il est donc primordial pour l’apiculteur de s’assurer qu’à l’automne beaucoup de jeunes abeilles naissent en bonne santé, car c’est grâce à elles que la colonie pourra redémarrer avec le retour des beaux jours !

Cela est malheureusement de plus en plus difficile à cause des parasites comme le varroa, des frelons asiatiques qui exercent une très forte pression en début d’automne, des sécheresses estivales qui tendent désormais à s’allonger jusqu’à octobre ou novembre comme en 2017…

Par chez nous en Provence heureusement les hivers sont courts, généralement peu rigoureux, et les floraisons sont abondantes en automne voire même en plein hiver (avec par exemple le romarin, l’ajonc de Provence, la fausse-roquette dans les vignes et les oliveraies, les amandiers dès fin janvier…), puis très abondantes dès mars.

En Provence, la floraison du romarin apporte des ressources importantes aux abeilles pendant tout l’hiver © Wikimedia Commons

Ce sont des conditions favorables pour que les abeilles passent l’hiver sans encombres, par rapport à d’autres régions au climat continental ou montagnard où l’hiver commence tôt et peut s’éterniser ! Au Québec par exemple, où les températures hivernales peuvent descendre à -20°C ou -30°C, les ruches sont placées dans des salles chauffées à 5°C ou 6°C pour les aider à passer l’hiver.

Dans la ruche, dès que la température extérieure descend sous la barre des 12-13°C, les abeilles ne sortent plus sauf exception, et se massent en une grosse boule qu’on appelle la “grappe”.

Cette dernière se resserre ou se relâche plus ou moins selon la température, et permet aux abeilles du centre de rester à une température nécessaire à leur survie, puisqu’en-dessous de 7°C une abeille mellifère solitaire meurt de froid.

Température de la grappe d’abeilles dans une ruche en été et en hiver © http://jm-duc.ch

Cette grappe fonctionne comme un “tapis roulant”, les abeilles exposées au froid étant progressivement remplacées par les abeilles du centre de la boule où se trouve toujours la reine. C’est finalement le même comportement que celui des manchots qui se massent pour résister aux vents glaciaux de l’Antarctique, et de cette façon que ces animaux sociaux mettent en commun leurs énergies individuelles pour survivre à l’hiver !

La période la plus critique chez les abeilles est celle de la fin d’hiver, à partir de fin janvier-février. Alors que les températures extérieures sont les plus froides, c’est aussi le moment où la reine a recommencé à pondre de plus en plus intensivement depuis le solstice du 21 décembre.

Il faut alors assurer une température constante de 35°C au centre de la grappe pour permettre l’élevage des larves, alors qu’en périphérie de la grappe il peut ne faire que quelques degrés au-dessus de zéro !

C’est à ce moment qu’il est primordial que les abeilles aient pu amasser assez de miel et de pollens à l’automne pour assurer cette dépense énergétique considérable, sans quoi le risque de famine guette et la colonie peut périr en quelques jours. Il faut aussi que les ruches soient correctement isolées, pour conserver au maximum cette précieuse chaleur. En climat continental en France on estime qu’une colonie doit disposer d’environ 15 à 20 kilos de réserve de miel pour passer l’hiver ; en climat méditerranéen, 10 kilos sont généralement suffisants.

Surface de couvain dans plusieurs régions en France et en Belgique. On voit qu’en Provence la dynamique est explosive dès février !

En Provence le printemps est précoce, et souvent dès fin février de belles journées ensoleillées et douces permettent aux abeilles de commencer à butiner les premières fleurs !

Par la suite mieux la colonie aura passé l’hiver, plus elle sera dynamique et populeuse au printemps et produira de miel, mieux elle pourra se préparer à affronter l’hiver suivant, etc. La sagesse vaut d’ailleurs de considérer qu’une saison apicole débute en octobre plutôt qu’en avril, tant le passage de l’hiver est primordial en apiculture.

D’autres critères rentrent aussi en compte au niveau de chaque colonie, comme l’âge de la reine ou la génétique. Dans le respect des processus écologiques ancestraux et de la sélection naturelle l’apiculteur doit aussi accepter que quelques colonies périssent chaque hiver, pour ne pas risquer de sélectionner à long-terme des abeilles peu rustiques, qui nécessiteraient des soins permanents par manque d’adaptation à leur environnement. Parmi les essaims sauvages, beaucoup ne résistent d’ailleurs pas forcément plus à l’hiver que dans les ruches.

Parfois aussi la vieille reine meurt pendant l’hiver et la colonie est alors  condamnée par manque de remplacement des abeilles âgées au printemps, faute de mâles pour féconder une nouvelle reine avant fin mars-début avril. S’il s’en rend compte à temps l’apiculteur a alors intérêt à réunir les abeilles restantes avec une autre colonie, pour leur éviter de périr au fur et à mesure dans la ruche.

Au final les abeilles mellifères ont progressivement élaboré cette stratégie hivernale depuis des millions d’années et dans l’ensemble cela se passe bien si l’apiculteur veille à toujours maintenir ses colonies en bonne santé, en respectant du mieux que possible le comportement naturel de l’espèce tout en assurant un minimum de production. Ce qui va souvent ensemble !

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